Pour la plupart des gens, les discussions sur l’efficacité énergétique ne sont qu’académiques. Ils n’y pensent sérieusement qu’en payant leurs factures de chauffage, c’est-à-dire quand il est trop tard.
C’est en hiver que l’inefficacité énergétique est la plus visible. En effet, les énormes glaçons et barrages de glace qui s’accumulent sur les toitures sont des preuves flagrantes de pertes de chaleur et d’un usage inefficace de l’énergie. Je suis toujours surpris d’entendre des gens intelligents dire qu’il s’agit là d’une caractéristique normale de nos hivers québécois – tout comme la tarte aux pommes est américaine. Quelle sottise!
Au début de l’hiver, les pertes de chaleur à travers l’entretoit ou le grenier gardent la surface du toit relativement tiède. La neige commence à s’accumuler et elle demeure même sur les toits en pente. Après un certain temps, la neige devient l’isolant car elle emprisonne beaucoup d’air. Plus le froid s’intensifie, plus on chauffe la maison et plus on perd de chaleur, plus l’entretoit et la surface du toit se réchauffent.
Glaçons montres
Un jour, la température à la surface du toit atteint 0 degré Celsius et la neige qui y touche se ramollit puis fond. Cette neige fondante se transforme en eau qui glisse sur la pente, jusqu’à l’avant-toit. En débordant du surplomb et des gouttières, l’eau gèle au contact de l’air (plus froid que la surface du toit). Avec le temps, il en résulte la formation de glaçons spectaculaires – certains s’étendent sur un étage ou plus! Plus les pertes de chaleur sont grandes, plus le barrage de glace derrière les glaçons est épais et plus long sont les glaçons.
Quand un dégel majeur et de la pluie se présente, avec des températures atteignant au moins +6 degré Celsius, même dans les Laurentides, les infiltrations commencent. Mais fréquemment, celles-ci ne proviennent pas du toit comme tel, elles se produisent horizontalement, du surplomb.
En effet, le poids de la glace accumulé dans les gouttières ouvre un joint au bord du toit, dans la corniche ou dans le soffite, et l’eau coulant sous la neige ou la glace accumulée dans le toit pénètre dans les plafonds. À la grande surprise des propriétaires, quand les plafonds ont une pente légère, l’infiltration peut même se manifester à une bonne distance du mur extérieur.
Il pleut dans mon lit
À mon grand désarroi, c’est ce que ma famille a vécu au chalet de mes beaux-parents dans les Laurentides, à la suite d’une fête-surprise très réussi pour l’anniversaire d’André Fauteux, l’éditeur du magazine. L’eau s’est mise à couler du plafond et sur nos lits au beau milieu de la nuit.
Malheureusement, dans un tel cas, bien des propriétaires de maison se trompent et blâment leur toiture tandis que l’origine du problème est la perte de chaleur de la maison.
Les couvreurs sont appelés par les propriétaires paniqués et on prévoit une réfection même si personne n’a déterminé la vraie cause du dégât. Refaire une toiture lorsque cela n’est pas nécessaire est une très coûteuse perte d’énergie additionnelle.
Certains clients me disent qu’ils ont refaits toute leur toiture au complet deux ou trois fois en 10 ans sans que ce problème ne disparaisse. C’est carrément du vol de la part des couvreurs!
En fait, aussi incroyable que cela puisse paraître, plusieurs entretoits montréalais ne contiennent que de 0 à 4 pouces d’isolant. (NDLR : Il est généralement rentable d’en poser de 12 à 14 pouces, pour une résistance thermique de R-42 à R-49, s’il s’agit de cellulose, l’isolant le plus abordable pour le grenier.)
Champignons et plinthes
Un autre signe très visible d’inefficacité énergétique est l’accumulation de moisissures sous forme de taches foncées sur les plafonds et les coins de murs de maison chauffées à l’aide de plinthes électriques. Énormément de logements locatifs montréalais – à Rosemont, sur le Plateau Mont-Royal, à Ville LaSalle et à Ahuntsic, ne furent jamais conçus ni construits pour être chauffés de cette façon, mais bien avec des radiateurs ou d’autres formes de chauffage central répartissant mieux la chaleur.
Quand on les a remplacés par des plinthes dotées de thermostats individuels afin que les locataires puissent payer leur consommation énergétique, on a négligé d’ajouter de l’isolant dans les plafonds par oubli, ou à cause de la difficulté de l’entreprise.
C’est dommage, car aujourd’hui les locataires diminuent ou éteignent carrément le chauffage dans plusieurs pièces afin de réduire leur facture de chauffage. Le problème, c’est que ces logements sont dotés d’un taux d’humidité relative trop élevé car, typiquement, les salles de bains et les cuisinières ne sont pas ventilées vers l’extérieur.
Quand la température d’une pièce diminue, le taux d’humidité relative bondit, non pas parce que l’humidité absolue a changé, mais parce que l’air froid ne peut pas contenir autant de vapeur que l’air plus chaud. Résultat : l’humidité condense sur les murs, plafonds et jonctions (solives, coins etc.) mal isolés et permettant l’infiltration d’air. C’est alors que les moisissures se mettent à proliférer.
Au fur et à mesure que l’hiver avance, le problème s’aggrave. L’isolant mouillé perd sa capacité isolante. Si les fenêtres ont été remplacées et ne permettent pas d’infiltration d’air (d’autant plus que la condensation les gèle souvent en place), le niveau de dioxyde de carbone (CO2) dépasse facilement un taux de 1000 parties par million – et plus de 2000 ppm si les gens fument.
Symptômes des maisons malsaines
Des maux de tête, étourdissements et autres malaises s’ensuivent. Si on laisse dégénérer la situation, les concentrations élevées de moisissures toxiques mineront tôt ou tard la santé des occupants – au niveau immunitaire, neurologique….
Bref, ce qui a débuté comme une recherche d’économie d’énergie s’est transformé en un désastre pour la santé des occupants. De plus, une enveloppe du bâtiment qui condense et retient l’humidité est encore plus difficile et donc plus coûteuse à chauffer. Sachez donc que la présence de moisissures est due à un manque d’efficacité énergétique et de ventilation.
Malheureusement, les murs moisis font également partie du folklore québécois, tout comme le geste de placer une serviette (au lieu d’un coupe-froid) au pied de la porte d’entrée pour prévenir le changement d’air qui est ironiquement nécessaire.
En somme, l’essentiel, c’est d’isoler le toit si on veut changer le système de chauffage pour des plinthes électriques et, pour économiser l’énergie, d’autant plus que ce genre de système de chauffage perd davantage de chaleur par convection ascendante qu’uns système de radiateurs.
Ce problème n’existerait pas si nos maisons étaient mieux conçues et construites, particulièrement sur le plan de l’isolation, de l’étanchéité et de la ventilation.
Morris Charney inspecte tout genre d’immeubles à temps plein depuis plus de 25 ans. Diplômé de la prestigieuse Université Harvard, il a fondé et longtemps donné le cours d’inspection de bâtiments à l’Université McGill et à l’Ordre des architectes du Québec. De plus, il a déjà rénové plus de 1000 maisons en tant qu’architecte.