Après le Danemark, qui a lancé le bal en 1996 en créant une cote énergétique dont le contenu doit être divulgué aux acheteurs lors de la vente de toute maison, c’est le continent tout entier qui emboîte cette année le pas. En effet, qu’ils vivent en France, en Angleterre, en Allemagne ou ailleurs en Europe, depuis le début de l’année tous sont contraints à cette nouvelle mesure.
Pour mieux comprendre, prenons comme exemple l’Angleterre qui a adopté une approche en ce sens. Ainsi, au point de vue résidentiel, avant de vendre sa maison, le propriétaire doit obligatoirement obtenir un audit énergétique dont le rapport fournit non seulement une cote (A à G), mais également une description qualitative de la performance des principales composantes (un système de chauffage « mauvais », une enveloppe thermique « excellente »), ainsi qu’une série de recommandations classées selon leur capacité à générer un retour plus ou moins rapide sur l’investissement. Le rapport complet doit être soumis à toute personne (ou agent) intéressée à l’achat, alors que la cote comme telle doit en plus apparaître sur tout matériel promotionnel, y compris les fiches de type MLS. La cote indique à la fois la performance actuelle de la maison et sa performance potentielle, advenant l’adoption de mesures d’ efficacité énergétique rentables.
Si les Européens, les Australiens et, bientôt, les États-Uniens, sans compter certaines régions de Chine et d’Amérique latine, ont décidé de procéder de la sorte, c’est fondamentalement pour corriger une défaillance de marché. Car le problème de l’énergie est avant tout un problème des marchés qui ne valorisent que peu ou pas les coûts énergétiques associés à une maison. Nul besoin de consulter les nombreuses études pour arriver au même constat; rénover sa cuisine ou sa salle de bain peut ajouter considérablement à la valeur de revente, alors qu’améliorer le niveau de l’isolation, installer un appareil de chauffage efficace ou réduire les fuites d’air laissent souvent les acheteurs indifférents ou presque. Et lorsque le marché ne valorise pas l’efficacité énergétique, les propriétaires n’y investissent pas, question d’orienter leur capital vers des investissements plus rentables.
Face à cette défaillance du marché, la cotation obligatoire peut, de concert avec d’autres outils incitatifs, jouer un rôle des plus positifs. À cet effet, soulignons l’expérience de la capitale nationale australienne où les maisons reçoivent une cote, allant jusqu’à six étoiles, qui doit être divulguée dans les fiches de type MLS et autres publicités entourant la vente. Une étude exhaustive a récemment conclu que le marché accorde maintenant une prime à l’efficacité énergétique, à hauteur de près de 10 000 $ par étoile. Et si les acheteurs sont prêts à payer pour une meilleure cote énergétique, la logique nous dit que les propriétaires commenceront à y investir davantage.
La cotation énergétique des maisons n’est pas une panacée car elle ne peut à elle seule corriger les défaillances du marché en regard de l’efficacité énergétique. Mais elle peut contribuer de façon importante et compléter les autres efforts visant à transformer les marchés vers une plus grande efficacité énergétique.
Au Québec, la cotation est déjà inscrite dans le plan triennal de l’Agence de l’efficacité énergétique (AEE) qui en examinera sous peu les options. Le développement d’un système de cotation obligatoire soulève un grand nombre d’enjeux, tantôt politiques, tantôt légaux, tantôt de psychologie cognitive et de comportements du marché. Le chemin pour s’y rendre ne sera pas simple. Mais le jeu des consommateurs mieux informés, des propriétaires mieux outillés, et un marché qui valorise la performance énergétique vaudra la chandelle.
( source : Le magazine FORMES vol.5 no.5, auteur Philippe Dunsky )